Cher Christian, […] du fond du cœur, merci. Ce que tu as fait pour moi est, je crois, inédit en politique. Sache que je le mesure à sa juste valeur et que je ne l’oublierai jamais […]. Tu fais partie des très rares personnes qui comptent pour moi et que j’aime. » La lettre, manuscrite, est datée de décembre 2008. Quelques jours avant Noël, Éric Ciotti a pris la plume pour souhaiter de « très bonnes fêtes » à Christian Estrosi. Son mentor vient, il est vrai, de lui offrir un énorme cadeau : après l’avoir fait député en 2007, il l’a propulsé à la tête du département des Alpes-Maritimes. Qu’importe que Ciotti ait trébuché, battu sèchement aux cantonales de mars 2008 ; Estrosi ne veut pas quitter la présidence du département sans y avoir placé son homme de confiance, celui qu’il a embauché à l’Assemblée nationale tout juste diplômé de Sciences-Po et qui le suit comme son ombre depuis vingt ans. Pour arriver à ses fins, il s’est livré à un rocambolesque jeu de chaises musicales et a placé les élus de sa majorité devant le fait accompli : le bizut du conseil général, finalement élu à la faveur d’une partielle, est bombardé patron en quelques jours. « J’avais Nice à redresser. Qui mieux que celui qui m’est le plus proche pour m’accompagner ? Quelqu’un de si loyal, de si fidèle ! », se justifie aujourd’hui Christian Estrosi, non sans amertume. Un silence, puis il soupire, mi-ironique mi-sérieux : « Tu quoque mi fili ! » (« Toi aussi, mon fils »). Car, dix ans après ce serment de fidélité, c’est désormais la « guerre totale » entre les deux amis de trente ans, comme le résume abruptement Éric Ciotti. Depuis les législatives de juin, la Promenade des Anglais vit au rythme de leur querelle, de déclarations vengeresses en coups fourrés. Sourde jusque-là, leur rivalité a explosé au grand jour.
|